samedi 26 mai 2012

J + 148 : Saut d'obstacles.

Supposons l'existence d'un citoyen X qui respecte religieusement les lois et les règles, sans nous soucier de la probabilité d'existence réelle de cet individu. 

M. X se déplace à pieds à Rabat pour une affaire des plus urgentes, longeant allègrement l'avenue Annasr . Arrivé à l'intersection avec l'avenue Mohammed V, il entreprend de traverser celle-ci dans le respect des lois et de la nouvelle constitution quand, soudain, surgirent devant lui des chaînes imposantes faites d'acier, de peinture verte et de conneries et marquées du sceau de la ville de Rabat, l'empêchant d'atteindre la chaussée à l'endroit réservé aux piétons. Incapable de prendre une décision - franchir l'obstacle métallique ou traverser plus loin, en dehors du passage clouté - il appela son avocat qui lui raccrocha au nez après lui avoir brièvement expliqué les dangers de la drogue. Aux dernières nouvelles, M. X est toujours en train de tergiverser.

Allons maintenant voir du côté de M. Y, citoyen modèle tout comme le précédent, mais malheureusement à mobilité réduite et ainsi forcé d'utiliser un fauteuil roulant. Etant de nature autonome, ne voulant dépendre d'aucune sorte d'aide ou de charité, M. Y a fait de la topographie urbaine son combat quotidien. L'observateur quelconque, qui, lorsqu'accompagné d'une gente demoiselle chaussée de talons, se retrouve malgré lui subissant ses gémissements et ses plaintes contre des trottoirs accidentés par la médiocrité des fonctionnaires communaux, ne manquera pas de respecter le courage et la volonté en fer de M. Y qui passe sa journée à éviter les carreaux rebelles et les panneaux sauvages, à se faufiler entre les voitures stationnées sur les trottoirs quand ceux-ci ne sont pas occupés par les terrasses de café et d'autres prouesses qu'il est ici inutile de rapporter. 

Arrivé à la même intersection où nous avions abandonné M. X, notre héros est au bord du désespoir, car à la difficulté habituelle liée à l'absence d'aménagement pour handicapés, s'ajoute celle liée à l'absence de neurones dans les cerveaux de ceux qui sont supposés faire de la ville un espace de mobilité facilitée et organisée. Les deux hommes se rencontrent, discutent, argumentent, et concluent que leur seul espoir est qu'un jour le Souverain, logeant non loin d'eux, remarque cette incohérence, et donne ses hautes instructions pour rétablir un peu de logique dans cette ville de fous.